Ils sont tous deux descendants de la famille royale de leur île respective – celle de Mayotte pour le cadi de Dzaoudzi et celle d’Anjouan pour le prince vert – et ils se sont connu à Mutsamudu avant de devenir des amis intimes en 1846 à Mayotte, où se réfugie Said Omar El Macely;
» Ce qui rapproche étonnamment ces deux personnes, c’est l’intuition que la puissance émergente, dans la région, sera finalement la France et non le Royaume-Uni […] Cette intuition est d’ailleurs mobilisatrice puisque tous deux vont contribuer puissamment à faire passé [les sultanats des Comores] « Komore » du giron anglais à la mouvance française au cours du siècle. »
Tout commence par un contexte historique servant comme témoignage d’une période instable dans la vie politique comorienne : razzia malgaches, suivis par des guerres intestines féodales entre factions entrainant à l’époque des « alliances plus douteuses et éphémères pour contrer un adversaire ambitieux. » C’est bien ce contexte qui va convaincre Cadi Omar Aboubakar que pour mettre en terme ces guerres, il faut offrir Mayotte à la France en usant d’un stratagème contre Andrianantsouly.
La transmission du pouvoir à Mayotte aux autorités françaises en 1841, va mener Said Omar Al Macely dans une situation où le choix de défendre la cession de Mayotte à la France est, pour lui, la plus raisonnable pour éviter l’intervention militaire française à Anjouan. Une position qui va lui couter son titre de conseiller du sultan Salim et lui pousser à l’exile, d’abord à Ngazidja où il épousa Moina M’kou wa Mougné M’kou (Djoumbé Shashagnongo), puis à Mayotte.
Reculons un peu en arrière pour voir mieux, quand le sultan Salim envoya Said Omar à Bourbon en 1842, auprès du commandent Bozoche, pour négocier l’amitié entre Anjouan et la France. Le prince vert lui disait dans cette rencontre que : » si la France tenait à posséder Mayotte, elle n’avait pas besoin de porter la guerre à Anjouan, ni de changer le roi qui gouverne cette ile[…] Quand à la cession de Mayotte à la France je me charge d’obtenir à cette fin la signature de Salim. Vous Said Omar, me répondit avec vivace Bozoche, si vous réussissez, vous pouvez compter sur une croix d’honneur, une belle pension et la protection de la France. Oui, répondis-je, je m’en charge ».
C’est bien cette contribution à la renonciation aux prétentions anjounaises de souveraineté sur Mayotte, qui fait que Said Omar Al Macely, le prince vert, fut le premier comorien à recevoir la Légion d’honneur en 1884.
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Crédit photo : portrait du sultan d’Anjouan Said Omar El Masely (père du sultan Said Ali, Ngazidja) en 1891, lors de son accession au trône, entouré par deux offiers français dont Clavis Papinaud gouverneur de Mayotte. Collection L’Illustration/Sygma).