Les racines historiques : Anjouan, Comore et les origines des noms.

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Les racines historiques : Anjouan, Comore et les origines des noms.

 

L’histoire, tissu précieux tissé par le temps, ne doit en aucun cas être effacée, car elle demeure le fil conducteur essentiel de notre identité. En reniant notre passé, en occultant nos origines et en ignorant notre destination future, nous errons dans un dédale de réalités confuses, succombant ainsi au fatalisme. L’édification d’une Nation, d’un pays archipélagique comme le nôtre, les îles Comores, repose sur la fondation robuste de ses connaissances, de ses savoirs et de ses valeurs, illuminant ainsi le chemin vers un avenir éclairé et émancipé.

 

À travers cette humble rétrospective, je vous convie à un voyage entre le XVIIIe et le XXème siècle, une époque où l’aurore de la domination coloniale française se mêle au crépuscule de nos entités insulaires indépendantes et souveraines.

 

Au XIXème siècle, la puissance coloniale française fit son entrée dans notre archipel, découvrant deux sultanats distincts et souverains, chacun indépendant de l’autre : Anjouan et Comore. Ces deux entités, bien que voisines, étaient le reflet de cultures et de réalités politiques distinctes. Elles ont coexisté pacifiquement, entretenant des relations cordiales et une entente harmonieuse qui, malheureusement, devaient bientôt être éclipsées par les tumultes de l’histoire.

 

Le Sultanat d’Anjouan, jusqu’au 14 juin 1891 :

 

Le Sultanat d’Anjouan s’étendait sur un archipel composé de trois îles : Ndzuwani, Maoré et Mwali. Bien que des vice-sultans existassent sur les deux dernières îles, ils étaient en réalité les vassaux du sultanat d’Anjouan. L’île d’Anjouan elle-même a évolué dans son nom au fil des années, passant de Juwani à Ndzuwani, avant de devenir Anjouan sous l’influence des Arabes, des Perses et d’autres cultures.

 

Étymologie du nom Anjouan : L’Éclat et la Beauté de Juwani.

 

Le nom « Juwani » transcende les frontières du simple toponyme, puisant ses racines dans l’anjouanais, où « Juwani » résonne comme une ode à la beauté naturelle et à la luminosité qui inonde cette terre insulaire. En anjouanais, « Juwa » évoque littéralement le soleil, l’étoile, l’astre, ces joyaux célestes qui veillent sur notre archipel. « Juwani » dépasse ainsi le sens rudimentaire de « sous le soleil » pour devenir une célébration de la lumière, de la splendeur et de la brillance.

 

Imaginez un village niché au cœur d’Anjouan, seul dans son genre, qui porte fièrement le nom de « Ma-Juwani. » Ce nom évoque la fusion harmonieuse de deux parties, comme une symphonie de beauté et d’authenticité dans la région de Sima. En « Ma-Juwani, » chaque coin et recoin de ce lieu spécial semblent baignés dans la lumière, créant une atmosphère de sérénité et d’émerveillement.

 

En cela, « Juwani » devient bien plus qu’un simple nom géographique. C’est une déclaration d’amour à la lumière, à la nature, et à la vie sur cette île enchanteresse de l’archipel.

 

Après avoir exploré les origines lumineuses du nom « Juwani, » plongeons maintenant dans l’histoire du Sultanat de Comore, une autre facette de la richesse culturelle et géographique de l’archipel.

 

Le Sultanat de Comore, jusqu’au 24 juin 1886 :

 

Le Sultanat de Comore, également connu sous les appellations de Comoro, Komoro, ou Jazira al Kamar, prenait racine sur la plus vaste île de l’archipel, désignée autrement sous le nom de Ngazidja. Ce terme, amorcé par le « Ngazi, » tiré de l’expression du Sud de l’île « Ngazi nge jao, » évoquait littéralement « l’échelle arrive », puis évolua pour représenter une région ou une localité. Plus tard, il a pris la signification métaphorique d’un bouclier, d’une forteresse, voire d’un bastion, symbolisant ainsi la résilience. À l’intérieur de cette île se nichaient six, sept, voire huit principautés de « Ngazidja, » chacune étant gouvernée par un ou des roitelets ou princes.

 

L’origine du nom « Comore » trouve ses racines dans l’histoire des premières populations africaines bantous qui ont investi l’île, nommant ce lieu « Ko-Moro » en référence aux éruptions volcaniques fréquentes, qui conféraient à cette île une aura d’incandescence naturelle. Les Arabes et les Perses apportèrent leur touche artistique en transformant ce nom en « Komoro, » évoquant ainsi un oiseau, puis en « Jazira al Kamar, » littéralement île de la lune, une référence à la silhouette majestueuse du mont Kartala, point culminant de l’île, perceptible depuis l’horizon.

Pour éviter toute confusion avec Alger d’Algérie, la France a maladroitement adjoint l’adjectif « GRANDE » à la dénomination de l’île, en remplacement de « Jazira, » mais également pour distinguer cette île des autres plus modestes en superficie. Ce fut le prélude à l’intervention française dans l’archipel.

 

Le Paroxysme de la Domination Française : d’avril 1841 à juin 1891

 

La France, cherchant à annihiler l’existence du sultanat d’Anjouan qui s’opposait depuis longtemps à sa colonisation, ainsi que l’occupation coloniale de Mayotte, a imposé la dénomination commune « Comores, » au pluriel, pour l’ensemble des îles de l’archipel. Cependant, l’ajout de l’adjectif « GRANDE » a été délibérément effectué pour distinguer l’île de Comore ou « Jazira al Kamar » des autres îles.

 

La guerre de colonisation et d’occupation de 1891, qui a laissé une empreinte indélébile sur l’histoire de l’archipel, s’est inscrite dans une série d’événements marquants. Il est crucial de souligner qu’à partir du 25 avril 1841, l’île de Mayotte, alors vassale d’Anjouan avec une population de 3 000 habitants, a subi une effraction par la France, inaugurant ainsi l’occupation et l’influence coloniale.

 

Cette occupation a jeté les bases d’une séquence d’événements qui allaient ultimement conduire à la tragédie de 1891, avec plus de 300 pertes de vies humaines parmi la population anjouanaise et des déportations arbitraires d’Anjouanais vers d’autres contrées lointaines. Cette mesure impitoyable a laissé des familles entières et les proches de ces déportés dans une situation de dénuement, de désarroi et de désespérance profonde.

 

Le 20 mars 1891 a marqué le point culminant de la conquête française, avec des conséquences dévastatrices sur les villes d’Anjouan. Une partie de la citadelle et du quartier Habomo de Mutsamudu, ainsi qu’un quartier de la ville de Ouani, ont été détruits par les armes et les bombes de la puissance coloniale. Plus tard, le 5 juin 1891, la ville de Moya a également été la cible de bombardements, en raison du refus du gouverneur et ministre, Wazir Ali, de se soumettre à un pantin désigné par la France depuis Mayotte pour imposer son autorité aux Anjouanais.

 

Sous la direction éclairée du vaillant Sultan Said Athman, la résistance opiniâtre et farouche d’Anjouan face à la colonisation prit forme au lendemain du décès de son frère ainé, le roi Abdallah III, le 2 février 1891.

 

Saïd Athman est intronisé à Mutsamudu le 7 avril 1891 selon les préceptes de la Constitution, les us et coutumes, ainsi que les traditions. Cet événement marqua un moment mémorable dans l’histoire de l’île. Porté en triomphe dans un palanquin, il traversa la cité au rythme vibrant des tambours et des clairons « Ndzumara », entouré des officiers des navires Redbreast et Matilde, des représentants consulaires en place, des mawakil (élus), et des notables.

 

Said Athman demeurait le dernier détenteur légal et légitime du titre de Sultan, symbolisant la souveraineté anjouanaise dans un acte rituel chargé de symboles. Cependant, le 14 juin 1891, s’étant elle-même rendue captive à Lingoni, cette figure emblématique a marqué un tournant douloureux en se sacrifiant pour éviter davantage de désastres et de dévastations à Anjouan, préservant ainsi la vie de ses concitoyens au sein de son peuple anjouanais.

 

La France, dans sa quête de domination coloniale, a imposé aux Anjouanais un Sultan nommé par le biais du Gouverneur colonial de Mayotte Pierre Louis Clovis Papinaud, agissant par arrêté du 12 avril 1891. Il s’agit de Said Omar Said Hasan ibn Sultan Abdallah 1er, un simple exécutant aux ordres coloniaux, dépourvu de tout pouvoir souverain, si ce n’est la gestion des affaires coutumières. Sa rémunération annuelle de 1 500 francs ne pouvait dissimuler l’absence totale de souveraineté et l’emprise impitoyable de la puissance coloniale sur le destin d’Anjouan. Ainsi, la trame de l’histoire se tissait avec les fils de la trahison et de la subjugation, effaçant les aspirations légitimes du peuple anjouanais.

 

Said Omar Said Hassan, en moins d’un an après que la France l’eut installé par la force et le feu des canons coloniaux à Anjouan, décéda en mars 1892. À ce moment, son fils, originaire et natif de Mayotte, Said Mohamed Sidi Said Omar, fut désigné Sultan d’Anjouan le 15 mai 1892, par l’entremise d’un Administrateur colonial, Louis Auguste Bertrand Ormières. Dépourvu de tout pouvoir effectif, son rôle se cantonnait à celui d’un agent subalterne, un sous-fifre de la France, rémunéré par cette dernière.

 

Cependant, l’histoire d’Anjouan prend un tournant significatif avec la promulgation de la Loi du 25 juillet 1912, déclarant les îles d’Anjouan, de Mohéli, et de Comore, colonies françaises (JORF, 3 août 1912, p. 6961). Le décret d’application fut signé le 23 février 1914, officialisant ainsi la transformation d’Anjouan en une colonie effective. Un changement qui marqua profondément le destin de l’île et de ses habitants.

 

Ainsi, tissée dans la trame de l’histoire, cette complexe narration de notre archipel révèle les cicatrices béantes encore de la colonisation, les résiliences des peuples, et l’éclat persistant de leur identité. À mesure que nous tournons la page sur ces chapitres douloureux, la lumière de la résistance anjouanaise guide notre voyage vers la conclusion de cette chronique captivante, tout en gardant un regard attentif sur la quête continue de justice, d’équité, et de souveraineté insulaire pour chaque île.

 

Anli Yachourtu JAFFAR

20 décembre 2023

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